J’ai rencontré Fried Wheely sur Montpellier il y a quelques mois. J’avais déjà dans l’idée à ce moment là de faire une interview, c’est maintenant chose faite ! Il nous parle des postes de NSO sur les matchs de Derby.
Peux-tu te présenter ? D’où viens-tu ? Que fais-tu dans la vie ?
Depuis 2012, dans le monde du Roller Derby, on m’appelle Fried Wheely. C’est mon nom de guerre, mon nom de scène ou, comme on dit, mon Derbyname.
Je suis un Arbitre de Roller Derby, un sans patin, ou, comme on dit (Encore !), un NSO – Non Skating Official.
Je viens de Paris ou, comme on dit (Toujours !), Lutèce. Ma League s’appelle Les Lutèce Destroyeuses. Je fais également partie de The Track’s Watch, un groupe composé d’Officials Franciliens.
Ma vie actuelle, c’est 20% de travail parce qu’il faut bien gagner sa vie, 30% de dodo et 50% de Roller Derby. Autant dire qu’aujourd’hui, ma vie, c’est le Roller Derby ! J’ai toujours été un passionné. Aujourd’hui, ma passion, c’est 8 roues… et des centaines de pages de règles et de procédures !!!
Comment as-tu découvert le Roller Derby ? Qu’est ce qui t’a attiré vers ce sport ?
J’ai découvert le Roller Derby en 2004 parce qu’une connaissance a intégré l’équipe de New-York, les Gotham Girls. Son Derbyname était Joey Hardcore. Puis, j’ai oublié.
J’ai redécouvert le Roller Derby à l’été 2011, après avoir croisé deux Paris Rollergirls (Machete et Pooky Balboa) dans une soirée Parisienne.
J’ai d’abord été Pom-Pom Boy pour les Paris Rollergirls, puis, en janvier 2012, je suis devenu NSO chez les Lutèce Destroyeuses.
Ce qui m’a attiré ? Le fait que, précisément à mes yeux, le Roller Derby ne soit pas qu’un sport – Même si beaucoup de Derbygirls et de Derbyboys français pensent le contraire.
Le spectacle, sur un mode Rock’n’Roll, a toujours fait partie de ma vie. Les communautés « en marge » ont toujours fait partie de ma vie… Le sport, aussi. Pour moi, le Roller Derby, c’était, c’est et – je l’espère – sera, un peu de tout ça.
Le Roller Derby est un parfait melting pot, qui se conjugue au féminin. C’est un sport ré-inventé par des femmes, où les compétitions ne se résument pas un concours de b*tes. Pour moi, à l’heure actuelle, et pour des raisons que je qualifierais de politiques, c’est important.
Est-ce que tu patines ?
Un ami qui travaillait chez Hawaii Surf m’a donné ma première paire de quads à l’été 1995. Je m’en suis servi un tout petit mois, du côté de la dalle de Montparnasse. Puis, j’ai oublié.
En janvier 2012, je faisais mon vrai premier tour de roues avec les Lutèce Destroyeuses.
Puisque nous sommes sur 100% Quad, je précise que je patine toujours avec mes platines Elite de 1995. J’ai troqué mes baskets pour des boots de chez Riedell plus « Derby correct ». Ce n’est certainement pas le montage le plus efficace mais il me permet de me déplacer dans les rues de Paris et de participer aux entraînements de Roller Derby.
Mais, même si je patine très régulièrement, je ne joue pas au Roller Derby (Oui, il y a aussi quelques équipes masculines !) et je ne suis pas un Referee/SO – Skating Official. J’ai essayé mais non… Mon truc à moi, c’est NSO.
Peux-tu expliquer le rôle d’un NSO pour notre lectorat non derbistique ?
J’utilise souvent l’image suivante : si un Bout* est un roman alors les Joueuses sont les personnages, les Referees sont les écrivains et les NSO sont toutes les personnes qui permettent au roman de finir en librairie (ou sur une tablette).
Les NSO comptent les points – Sans NSO, il n’y aurait ni vainqueur, ni perdant.
Les NSO mesurent le temps – Sans NSO il n’y aurait ni début, ni fin.
Les NSO gèrent les pénalités appelées contre les Joueuses fautives – Sans NSO, il n’y aurait pas de justice.
Bref, sans NSO, il n’y aurait pas vraiment de Bout.
Le Roller Derby ne serait qu’un jeu et n’intéresserait pas vraiment le Public.
Dans un Bout, il y a une douzaine de NSO. On les repèrent à leur T-Shirt de couleur neutre (Souvent rose ; Parfois d’une autre couleur)… Et à cette bizarre langue des signes qu’elles ou ils semblent tout(E)s utiliser.
* : en « Derbish », notre langue à nous, Bout = Match.
Pourquoi n’es-tu pas devenu ref ?
Tout simplement, parce que j’ai essayé et je n’ai pas aimé.
Être Referee, c’est être à la fois juge et jury. Et si je pense pouvoir être le premier, je suis bien trop peu sûr de moi pour être le second.
Être Referee, c’est être la Loi, l’incarnation des règles. Et je suis d’un naturel bien trop libertaire pour devenir cela. Appeler une pénalité me ferait presque pleurer.
Être Referee, c’est être un Official que le Public repère (Tu portes des rayures ; Tu es sur des patins ; Tu siffles !). Il me semble qu’il faut savoir bomber le torse, afin d’inspirer confiance et avoir l’air d’un bon Referee. Et je ne sais pas faire cela. Moi, j’aime le grotesque, le comique.
Les quelques fois où j’ai été Referee, où j’ai suivi les Bootcamps* destinés aux Referees, on peut dire que c’était pour être un meilleur NSO… Pour mieux comprendre les Officials en patins qui font partie de mon équipe.
* : en « Derbish », Bootcamp = Camp d’entraînement, une sorte de stage sur un ou plusieurs jours.
Comment vois-tu ton poste de NSO ?
Il est difficile de parler d’un poste de NSO. Score, temps, pénalités, … Il existe DES postes de NSO. Un bon NSO et, à fortiori, un Head NSO (La ou le « chef » des NSO) se doit de tous les connaître. Tout comme elle, ou il, se doit de connaître le travail des Referees car sans ou avec patins, NSO ou Referees, nous sommes toutes et tous des Officials. Nous sommes une équipe. On nous appelle souvent, et à mon avis à tort, la Team No Fun.
En effet, les Officials doivent être neutres et impartiaux. Il est formellement interdit d’encourager une équipe. D’où la Poker Face, l’« Attitude No Fun », que la plupart des Officials adoptent. Cela ne nous empêche pas d’être de joyeux drilles lors des After Parties.
Pour en revenir au travail d’Official, je nous vois comme un cadre. Un cadre qui permet aux Derbygirls de s’exprimer librement… Un cadre qui, comme tous les cadres, est là pour mettre en valeur le tableau. Un bon Official est souvent quelqu’un d’humble.
Qu’est ce que le Derby t’apporte ?
Tout ? Ou, plus précisément, une communauté, voire une famille… Une famille que j’aime et qui se préoccupe peu des catégories de genre, de classe ou de race. Une famille qui ne connaît pas vraiment les frontières. Où que tu sois dans le monde, si tu fais partie de la famille Derby, tu auras un toit pour dormir, des ami(E)s pour faire la fête et des coéquipières pour rouler ou NSO’ter… D’une certaine manière (Là, on peut dire « LOL »), le Roller Derby est une sorte de communauté hippie où la pratique sportive a remplacé l’élevage de chèvres.
Parce qu’il est né il y a une dizaine d’année, parce que c’est un sport sans histoire, le « Roller Derby moderne », me donne également le sentiment d’être un créateur. Tout ce que nous inventons aujourd’hui, sera peut-être le standard de demain. C’est une sensation extrêmement puissante, totalement narcissique.
Qu’est-ce que tu aimes / n’aimes pas dans le Derby ?
J’aime quand, malgré l’extrême diversité des opinions, malgré les conflits et la compétition, tout fini dans un grand élan d’amour, une fantastique After Party.
Je n’aime pas quand notre communauté devient communautariste et que les Leagues s’affrontent en dehors des limites du Track*.
J’aime que le Roller Derby soit un vrai sport pour toutes et, aussi, bien souvent, pour celles qui n’ont jamais été « bonnes en EPS ». Si on interroge les Derbygirls, nombre d’entre elles n’ont jamais fait de sport et n’ont jamais envisagé de faire une autre activité sportive… C’est aussi en cela que je pense que le Roller Derby est plus qu’un sport. C’est une « way of life »
* : en « Derbish », Track = Piste, là où se déroule un Bout.
As-tu des objectifs dans le Derby ou des choses que tu aimerais vraiment faire ?
J’aimerais un jour aller NSO’ter de l’autre côté de l’Atlantique. Pourquoi pas en décembre 2014, à Dallas, lors de la Coupe du Monde ?
J’aimerais également transmettre mon savoir : en France, nous manquons d’Officials en général et de NSO en particulier.
J’aimerais, un jour, redevenir pom-pom Boy.
Que dirais-tu à une personne qui veut faire NSO ?
Si tu souhaites plus que tout patiner, ne fait pas NSO.
Si tu aimes être celle vers laquelle se tournent les regards, ne fait pas NSO.
Si… bref, ne soit pas un NSO faute de pouvoir être autre chose. Il existe des dizaines de rôle possibles dans le monde du Roller Derby : joueuse/joueur, coach, mascotte, referee, announcer… fan !
Mais si tu souhaites être NSO, alors, vas-y, fonce ! Et si tu en as le désir (Et la possibilité!), VOYAGE… D’après mon expérience, les meilleur(E)s NSO sont celles et ceux que l’on trouve sur la route.
Les NSO sont des clochards célestes.
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