Nicolas Wegrich aka Alzzu Zigzagurbain

Dernière modification le 07 janvier 2018 à 02h38

Nicolas Wegrich aka Alzzu Zigzagurbain

Dur d’introduire quelqu’un comme Nico. A la base du roller acrobatique depuis les années 90, c’est un rider polyvalent en quad et line, qui s’est essayé à un grand nombre de pratiques.  Ami de longue date de l’équipe de 100% Quad, nous avons eu l’occasion de l’interviewer lors d’une des sessions descente qu’il organise tous les ans et auxquelles nous participions.

Peux-tu te présenter ?

Je suis Nicolas Wegrich, j’ai 39 ans. Je viens de Reims où suis arrivé à 14 ans. J’avais perdu mes racines, et avec un pote que j’avais rencontré nous avons commencé à patiner. J’avais déjà croisé le groupe des anciens, dont Luc Bourdin faisait partie. Ils nous appelaient patin de bois et patin de fer, nos rollers étaient vraiment faits de bric et de broc.

démo reims au Parc Léo 90/91
Démonstration à Reims au Parc Léo 90/91

 

Quand et comment as-tu commencé à rouler ?

J’ai profité d’un cadeau fait à ma sœur par l’association de hockey : des rollers (des roues en gomme et des Variflex). Dès le départ je faisais du saut. Par la suite j’ai fait la connaissance de Luc. Nous sautions sur tout ce qui se présentait.
Nous nous sommes mis à faire du roller acrobatique (saut, slalom), même si personnellement j’ai toujours préféré le saut. Luc faisait plus de street (grinder sur les rails, gaps, sauts d’escaliers avec rotations…), mais c’était moins mon truc.
Je faisais de l’aviron au niveau national français, donc j’avais un bon physique qui me permettait de sauter haut.

cap d'adge 1992
Au Cap d’Adge en 1992

Rampe Epernay 1992
Session rampe à Épernay en 1992

Comment était le roller à l’époque ?

A Reims dans ces années là (fin des années 80/début 90), il n’y avait pas beaucoup de monde en patins. Quand on voyait quelqu’un dans la rue, on se saluait. De plus le roller n’était pas très bien vu et était interdit dans beaucoup de lieux. Nous avions un spot, appelé Jadart, dans le centre de Reims. On se faisait souvent courser par les flics qui voulaient nous encercler ! On partageait le coin avec des clodos et des punks.
Il n’y avait pas de contraintes : on pouvait rouler quand on voulait, comme on voulait et avec qui on voulait.
Je me rappelle avoir passé des nuits entières à rouler et à jouer (chasse à l’homme, épervier, etc.). J’étais très intéressé par le côté exploration que l’on pouvait retrouver dans les jeux, et le roller de manière générale. J’ai toujours gardé celui-ci, même à présent.

démo reims 1993 Place D'Erlon
Démonstration à Reims en 1993, Place D’Erlon

démo reims au Parc Léo 90/91
Démonstration à Reims au Parc Léo 90/91

 

Que retiens-tu de cette période ?

Nous avons monté un club, l’AS Team Reims. Cela a été très formateur car nous avons envisagé notre sport sous un autre angle :  le rapport à nos parents, les réunions, faire avancer les choses, etc. Je peux dire que je me suis créé grâce au roller.
Cette expérience d’encadrement m’a beaucoup servi car elle fait partie de mon métier à l’heure actuelle.

démo reims 1993
Démonstration à Reims 1993

A cette époque il n’y avait pas d’argent dans le roller. Personne ne pensait encore à devenir professionnel…

Pour organiser nos événements français, nous allions avec nos petits dossiers voir la boucherie du coin ou la mairie. J’avais été interloqué car la fédération, qui à l’époque était en partenariat avec Rollerblade, nous avait demandé de lui réserver 2/3 des espaces publicitaires sur nos compétitions ! A notre niveau nous donnions beaucoup d’argent, et nous avions très peu de contact avec eux.
Pour le sponsoring, Reims n’était pas la meilleure adresse, c’était assez perdu. Je m’en suis rendu compte en venant à Paris.

On a fait beaucoup de démonstrations dans les villages des environs, puis parfois des démos qui m’ont plus marqué : comme par exemple avec un orchestre, ou alors avec des punks qui crachaient le feu et par dessus qui nous sautions.

Nous avons continué à patiner en urbain : les catas, les chasses à l’homme en centre ville, etc…comme nous l’avions toujours fait, même si certains se spécialisaient dans une pratique de gymnase.
A côté de ça il y avait la vie du club, avec les horaires imposés des salles, les déplacements avec les parents, les compétitions.
Nous avons vu les premiers clubs de inline hockey se monter. On les avait accueillis mais le courant ne passait pas trop, ils étaient un peu snobs (et surement nous aussi).

démo reims 1993 Place D'Erlon
Démonstration à Reims 1993 Place D’Erlon

démo reims au Parc Léo 90/91

Démonstration à Reims au Parc Léo 90/91

Quand le line est arrivé, vous avez essayé ?

Certains ont fait des essais mais ça n’a pas été concluant.
J’ai commencé lorsque j’ai rencontré Zola Kikonko à l’UCPA, qui m’a passé une paire de Roces Impala jaune.
Il y a eu une paire de patineurs sectaire sur le matériel, certains ont essayé les patins de street, mais ca n’a pas duré longtemps. Je pense avoir été un des premiers de notre team à rouler en ligne (et c’était déjà sur le tard) sachant qu’il n’étaient pas adaptés à faire des réceptions au sol à plat.

Sur Paris beaucoup de gens ont sauté en line à cause des sponsors, et ils s’y sont pétés les talons.
Nous, nous étions des sauteurs, dans notre bulle. Nous étions à la base des compétitions avec d’autres clubs de la partie nord de la France.

J’étais à l’époque persuadé que les championnats de France allaient évoluer en championnats d’Europe, mais c’est resté très franco-français et confidentiel. Cela me fait dire, maintenant, que pour développer quelque chose en roller il faut qu’il y ait des perspectives durables et évolutives.

Championnat de FRce 1994 La Défense
Championnat de France en 1994 à La Défense

Championnat de Frce 1995 troca
Championnat de France 1995 au Trocadéro

 

 

Maintenant comment tu te répartis entre roller en ligne et quad ?

J’aime bien les deux pratiques. Au quad le saut, et la beauté de chercher ses chaussures et monter ses patins.
Avec le quad il y a un côté beaucoup plus trépidant, car cela bloque beaucoup plus (graviers, trottoirs, etc). Tu dois toujours être alerte et la prise d’élan doit être très active. Je n’ai pas tout pratiqué en quad, puisque j’ai surtout fait du quad urbain.

Le line c’est quelque chose que j’aime bien aussi et je n’éprouve aucune honte à faire du quad et du line.
Ce qui est rigolo c’est le retour en force depuis deux ans du quad. Cela fait partie du retour du ringard et rétro que l’on voit de manière générale dans la société.

palais royal
Zoulou, place du Palais Royal à Paris

Le Roller Derby ?

C’est une expérience récente. J’y suis venu de manière très surprenante, par des amis et voisins qui cherchaient un coach. Ayant une formation d’encadrant dans le sport, cela me plaît de découvrir de nouvelles activités, et pas seulement en roller : je me suis aussi investi dans les échasses urbaines et la capoeira.
J’ai abouti à encadrer et co-entraîner une équipe. Je suis content car l’équipe a gagné quelques matchs, mais bien sûr ce n’est pas lié directement à ma présence.
Le Derby est une pratique, assez particulière culturellement, que je vois avec un certain  recul de par mon histoire dans le roller et ma formation dans les métiers du sport. Ce qui m’a intrigué c’est le retour au quad, où des gens qui ont à peine un an de pratique se mettent à le défendre passionnément comme quelque chose d’indispensable dans leur activité.

Je trouve qu’ils n’ont ,pour la plupart, pas notre culture urbaine ; c’est autre chose.  Il m’a semblé, d’emblée, que leur culture était  très modélisée à « l’anglo-saxonne », tant dans les représentations, que sur les méthodes d’apprentissages. Cela m’a dérangé, au départ, sur certains aspects : je m’attendais à beaucoup de liberté d’expression, une sorte de révolution, et j’ai trouvé à l’inverse qu’il y avait parfois une quête « obsessionnelle » du modèle, de l’autoritarisme  et des règles à outrances. . C’est d’ailleurs dommage que l’activité soit aussi difficile d’accès, car on pourrait très bien imaginer que cela se joue en roller en ligne.

Pour avancer au niveau de l’entrainement, mon travail a été de mettre à distance, au préalable, le côté culturel, pour partir de l’essence du jeu, la logique de l’activité comme on l’appelle dans le jargon éducatif.

C’était une belle expérience d’encadrer des femmes, ce n’était pas évident. Il faut trouver les bons mots et les bons messages.

Depuis juin 2012 je suis joueur à la Panam Squad (NDRL : sous le aka Pass’Pass) : je voulais vivre le jeu de l’intérieur. De l’intérieur,  j’aime beaucoup le jeu, même si je pense que promouvoir des règles allégés au départ permettrait une meilleur accessibilité. Ce que je peux trouver difficile, c’est de vivre couramment des situations modélisées d’entraînements sous forme d’exercices où du coup le jeu perd son sens.

Pour ma part, aujourd’hui je sais que cette activité a cette réalité, d’ailleurs aux antipodes de mon histoire culturelle en roller. C’est autre chose. J’accepte les côtés qui me hérissent parfois pour continuer à vivre ce jeu.

L’affection que j’ai pour les joueurs panam squad me pousse aussi à continuer !

Il me semble, avec plus de recul aujourd’hui, qu’une activité nouvelle, qui plus est méconnue, peut difficilement dans les premiers temps échapper aux codes très marqués et à certaines formes « sectaires ».

derby 2013
Panam Squad vs The Inhuman League, MERDC 2013

Quel est ton rapport au matériel ?

Je ne suis pas un collectionneur, je monte mes quads par nécessité. Je bouffe mes patins jusqu’au bout, et je ne les lave que pour de très grandes occasions. Je suis plutôt content de les voir s’user et se remplir de boue : préserver mes patins n’est pas mon objectif car mon but c’est de vivre avec.

Je monte mes quads car j’en ai besoin, et ils évoluent avec ma pratique. Par exemple je place mes platines de plus en plus en avant, car j’adore les virages où les patins chassent, et où je n’ai plus d’adhérence.

Pour les 24 heures du Mans, j’avais monté ma platine sur des pompes de foot. J’avais mis des roues de ligne car je sortais d’une opération du genou et je ne pouvais pas emmener les roues de quad. C’était léger et le montage chassait :  j’ai bien aimé.

J’entends beaucoup de gens dire qu’ils n’ont pas la bonne platine ou les bonnes roues pour ceci ou cela. Par exemple en Derby je roule avec mes patins de tous les jours, ce qui montre que l’on peut jouer avec son propre matériel. Concernant le frein, cela doit apporter des choses pour certains démarrages ou pour pousser mais bon, ce n’est pas ce qui m’intéresse.

J’aime quand les patins s’usent, que les roues deviennent plus petites et donc que c’est dur d’avancer car je m’entraîne comme cela, et par la suite quand j’ai une nouvelle paire je suis ravi car j’ai l’impression de redécouvrir le quad 🙂

Ce n’est pas à moi qu’il faut demander quel matos choisir, ce n’est pas mon truc et je ne prends que le matos le moins cher.

palais royal 2010 This is spartaaaaaaa
Palais Royal en 2010. This is spartaaaaaaa
photo Annalisa

Démo avec TAIG CHRIS EVENTS 2007
Démo avec TAIG CHRIS EVENTS en 2007

Que dirais-tu à quelqu’un qui veut commencer le roller ?

Je ne sais pas trop quoi dire : se faire plaisir, et avoir un rapport collectif à la pratique. Ne pas en demander trop, trop vite, et prendre le temps de découvrir et apprendre. Souvent on arrête car on se fait mal, alors pourquoi pas se protéger ?

Il y a tellement de choses à faire en roller qu’il y en a pour tous les goûts : pratique individuelle, prouesse technique, jeu collectif. Le plaisir de jouer est à mon avis très intéressant.
De part mon métier, je vois beaucoup de gens qui veulent apprendre, et ils sont en recherche de recettes toutes faites pour apprendre plus vite. Par exemple pour le freinage, je ne suis pas pour une technique ou une autre, mais plutôt pour apprendre à gérer sa vitesse. J’aime aider les gens à découvrir par eux-même.

Pour finir je dirais qu’il est important de s’amuser en apprenant.

Qu’est ce que cela te fait de te retrouver avec des anciens, avec qui tu patines depuis des années ?

C’est un grand plaisir. J’aime avoir une continuité dans les itinéraires de nos vies. Avant j’étais centré sur moi (le roller acro, pratique de prouesse individuelle, n’a pas arrangé les choses), et avec le temps j’ai mûri et j’attache plus d’importance au partage d’un moment avec les autres.

Parle nous des sessions descente !

Au début j’appelais des copains comme Ali, Karim et Antoine (NDR : tous anciens de l’AS Team Reims des années 90). ). On allait repérer des descentes dans notre région, autour de Reims. Puis cela a mis 7 ans pour que notre rêve d’aller à la source, dans les montagnes puisse se réaliser et arrêter de faire des ride de 1km alors qu’on peut en faire de 15 ! C’était un projet où le but était de patiner, pour soit et explorer. Je n’avais pas imaginé que cela allait être un moment essentiel, où nous allions partager des choses aussi fortes. Maintenant je prends plus de plaisir à retrouver mes amis qu’à faire la descente.

Nous partons pour une semaine un peu roots avec les potes (ou les potes de potes), au camping. J’aime beaucoup ce genre de projets fusionnels, où tu ne peux pas t’échapper. Cela te fait peur et tu as du stress. Certains ont de l’amour propre, et tu vois comment ils se comportent dans ce genre de situation, où ils vont malgré tout devoir se dépasser.

Ce n’est pas de la compétition, nous avons du temps et sommes en petit comité. En plus je suis friand de montagne et de m’éloigner des foules. Maintenant çà fait 5 ans que nous y allons régulièrement, un vrai bol d’air !

 

Descente des 7laux sous l’eau :

 

Chasse à l’Homme en 2012 :

 

Freeride vrac 2011 :

 

Toutes les vidéos de Nico sur sa chaine Youtube.

 

Réagir sur le forum

gcatch

Antoine, alias G-catch, j'aime le quad, le skate, le snow, les sports extrêmes quoi.

a écrit 13 articles sur Roller Quad.net.