J’ai rencontré Naomi il y a pas mal d’années, lorsque nous pratiquions tous les deux le slalom. Il y a quelques mois j’ai découvert qu’elle pratiquait le roller derby, et j’ai décidé de l’interviewer.
Peux-tu te présenter ?
Salut, je m’appelle Naomi Grigg, aussi connue sous le nom de The Neutrino des Rat City Roller Girls. Je roule depuis 19 ans et cela fait maintenant 2 ans que je joue au Roller Derby.
Quand as-tu commencé à patiner ?
En 1994 je crois, j’avais alors 15 ans. J’ai commencé en allant à une patinoire 3 fois par semaines.
Quelles disciplines pratiques-tu ?
J’ai fait de la compétition en slalom, roller de vitesse, roller danse, et en roller cross. Maintenant, je fais surtout du roller derby et de la roller danse. J’enseigne aussi le slalom chaque week-end.
Danses-tu en quad ou en in-line ?
Les deux. Après être venue à Seattle, je n’ai dansé qu’en in-line mais depuis quelques temps j’ai commencé en quad. Maintenant, j’aime chausser les deux, parfois je change en plein milieu d’une session nocturne.
Comment as-tu découvert le Roller Derby ?
C’était à Melbourne en Australie lors de ma tournée d’adieu avant de prendre ma retraite de pigeon voyageur dans le milieu du slalom. Mon sponsor (Bayside Blade Skate Shop) se rendait à un match de roller derby pour y installer un stand et m’a invitée. Le match opposait Rat City Roller Girls à Victoria Roller Derby League. Les joueuses étaient habillées comme des sportives et faisaient preuve d’un bon niveau de patinage. Aussitôt je révisais ma vision du derby, qui se résumait jusque-là à des filles salement habillées se tapant dessus sans savoir patiner.
Est-ce que le freestyle, et ton expérience qui te vient de la rue, t’aident dans le roller derby ?
C’est très difficile à dire. La plupart de mes compétences en patinage sont très spécifiques et n’ont pas été véritablement utiles dans le roller derby. Mais la base commune acquise au travers des diverses pratiques du roller m’a permis de bien débuter le roller derby. Ce n’est que maintenant que je commence à spinner dans le derby car j’ai passé les deux premières années à comprendre le jeu et à apprendre les bases. Je n’ai même pas encore fait de sauts.
Les joueuses et joueurs américains roulent-ils également dans la rue comme nous le faisons ? Ou s’entraînent-ils uniquement en intérieur ?
Ils roulent rarement en extérieur et certainement pas sous la pluie. Les joueuses voient la ballade comme une nouvelle discipline plutôt qu’une habitude ou un choix. Et lorsqu’elles sortent, c’est pour faire du fitness sur de longues routes plates et droites en pelotons, un peu à la manière de la rando roller parisienne du vendredi soir.
Il semblerait que les joueuses de roller derby ne comprennent pas pourquoi nous roulons sans protections, as-tu déjà été confrontée à cela ?
Oui, la santé et la sécurité sont des valeurs tellement importantes aux États-Unis que la plupart des gens pense qu’il est stupide de refuser de porter des protections. Avant de commencer le derby, je ne comprenais pas, mais maintenant j’ai parfaitement saisi. Car après 3 mois passés à faire uniquement du derby avec des protections partout, je suis sortie pour faire une session dans la rue avec des amis en in-line. Je me suis sentie si VULNÉRABLE les 5 premières minutes ! Mon esprit s’était tant habitué à porter des protections que je ressentais le besoin d’en porter.
Qu’est-ce que tu aimes dans le roller derby ?
J’aime l’esprit communautaire, j’aime les impacts et le contact. J’adore aiguiser ma vision du jeu afin de prendre les meilleurs décisions le plus rapidement possible. J’aime aussi cet environnement de femmes fortes et motivées.
Et qu’est-ce que tu n’aimes pas ?
Je n’aime pas avoir un emploi du temps fixe, mais c’est aussi ça être dans une équipe, dans une communauté. On dit parfois que le derby, c’est du cinéma mais je vois rarement des joueuses simuler. Je n’aime pas être blessée.
Peux-tu nous présenter ta ligue ?
Ma ligue, les Rat City Roller Girls ont débuté en 2004 et évoluent dans le TOP 10 des équipes américaines. Nous sommes chanceuses d’être devenues suffisamment populaires pour disputer nos matchs au Key Arena devant plusieurs milliers de supporters.
Quelles sont, selon toi, les différences entre le Roller Derby Européen et le Roller Derby Américain ?
Mon expérience du derby européen est très limitée, j’ai participé aux entraînements de 4 équipes anglaises, vu les London Roller Girls jouer aux USA ainsi que la coupe d’Europe de roller derby masculin en Juillet 2013. Mon opinion est que l’Europe va être témoin d’une rapide progression dans les cinq prochaines années. J’ai pratiqué le roller au niveau international dans différentes disciplines pendant dix ans et j’ai vu des pays, voir des continents entiers gagner et perdre leur niveau à plusieurs reprises. Mon intuition me dit que l’Europe va bientôt nous rattraper. Notamment grâce au niveau de patinage, à l’approche différente du derby et aussi grâce à une mentalité différente. La maturité des jeunes va également avoir un impact important sur le Roller Derby et encore, je ne sais pas s’il y a beaucoup de ligues juniors en Europe.
Tu étais au MERDC (Championnat d’Europe de Roller Derby Masculin). Que penses-tu du Merby ?
Je trouve que le merby évolue très vite. Auparavant, cela m’ennuyait de regarder des hommes jouer au roller derby, et maintenant c’est devenu passionnant. Les jammeurs sont si puissant et explosifs que les voir bondir d’un coté à l’autre sans craindre l’échec devient addictif. Les mecs, pour la plupart, ont tendance à tenter des choses qu’ils risquent de foirer. Leur approche peut être très maladroite, ils risquent donc de se blesser là où une femme aura été plus prudente. Cependant ils parviennent à réaliser des choses inimaginables. Appliqué au derby, il semblerait que cela leur permette d’apprendre plus vite mais au détriment de certaines bases. Toujours en généralisant, les femmes préfèrent obtenir des résultats en se contentant de techniques et de mouvements conventionnels et moins risqués, évitant ainsi des tentatives qui peuvent échouer. En conséquence elles apprennent moins vite. Récemment, les hommes ont commencé à apprendre des techniques de bases, notamment concernant la stratégie, ce qui les rend de plus en plus fort. A mon avis le Roller Derby mixte deviendra moins populaire dans quelques années.
Tu as ouvert un magasin. Pourquoi ?
Je suis venue aux USA afin de développer le roller inline en important les rollers de la marque SEBA chez les revendeurs américains. Je profite également de cette position pour aider le sponsorat des riders et participer aux événements autour du roller. Je me suis vite rendu compte qu’il n’y avait que très peu de bon magasins de rollers aux États-Unis, et je me suis dit que collaborer avec la plupart d’entre eux aiderait grandement la renaissance du inline ici. J’ai rencontré Léon Basin, fondateur de Shop Task (un magasin canadien qui a maintenant 4 enseignes au Canada) à la conférence annuelle de l’Association des Entraîneurs de Roller, et nous avons décidé d’unir nos forces afin d’implanter Shop Task aux États-Unis. Léon a façonné Shop Task afin de comprendre les moindres besoins des riders inline en se mêlant aux communautés.
Un dernier mot ?
Putain que j’aime rouler ?
Traduit de l’anglais par Jonathan LANAU
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